Mouad Aboulhana
Peinture
Mouad Aboulhana est un artiste marocain dont la pratique hybride — entre pop, street art et arts graphiques — a contribué à redessiner la carte contemporaine de Tanger et plus largement du Maroc contemporain. Installé entre ateliers de la ville du Détroit et projets internationaux, il puise sa matière première dans le quotidien marocain : les motifs du zellige, la babouche et le fez, les visages de la médina, mais aussi les rythmes urbains et les strates historiques qui font la singularité de son territoire. Son travail conjugue une énergie chromatique vive à une sensibilité narrative : chaque image fonctionne comme un signe populaire réinvesti, à la fois festif et critique.
Sa démarche esthétique mêle pochoir, graffiti, collage, impression et techniques numériques, produisant des pièces où la surface se raconte en textures et en superpositions — empâtements contrôlés, aplats colorés et inserts photographiques créent des tensions visuelles où l’icône devient matière. Mouad revendique un « pop marocain » qui n’efface ni la mémoire ni la complexité sociale : ses « Tarbouch Kid » et autres figures récurrentes jouent le rôle d’emblèmes nationaux réactualisés, à la fois nostalgiques et résolument contemporains. Il enseigne également les arts visuels et conduit des ateliers, faisant de la transmission une part intégrante de sa pratique.
Sur la scène curatoriale, Aboulhana a multiplié les interventions — murs peints dans la médina de Tanger, expositions en galerie et participations à des manifestations en Europe. Son travail a été présenté dans des expositions collectives et solos en Espagne et au Portugal, et il a figuré dans des événements dédiés à la pop et au street art à Londres (notamment dans des manifestations autour du pop nord-africain), témoignant d’un rayonnement qui dépasse les frontières nationales. À Tanger, il a aussi développé un lieu de diffusion et d’exposition, favorisant la rencontre entre artistes locaux et publics internationaux.
Parmi ses engagements artistiques les plus marquants figure la réalisation d’une fresque/portrait de Leila Alaoui dans l’espace public de Tanger, geste symbolique qui illustre sa capacité à lier hommage, mémoire et visibilité urbaine — la fresque a suscité attention et débat, preuve de l’impact sociétal de son travail lorsque l’art sort de la galerie pour investir la ville. Il est aussi impliqué dans des structures collectives et des festivals (initiatives de promotion du street art local), contribuant à structurer un écosystème culturel plus inclusif et dynamique dans le nord du Maroc.
La vitalité de sa palette, l’ironie parfois contenue dans ses compositions et la douceur mélancolique de certains portraits font de Mouad Aboulhana une voix singulière : un artiste populaire par ses sujets, exigeant par son exigence formelle. Sa pratique interroge le rapport entre tradition et modernité, revendique la place de l’imaginaire collectif dans l’art contemporain et invite le spectateur à reconnaître dans l’icône détournée un fragment de sa propre histoire.
À NoBorder Pilote à Tanger, Mouad Aboulhana a livré une exposition site-specific où l’énergie urbaine se fait installation : grands panneaux pop, fresques fragmentées et séries de collages se répondent pour réinventer les façades de la médina en autant de tableaux vivants. Pensée comme un dialogue avec la ville, l’accrochage mêlait œuvres murales, pièces en édition et ateliers participatifs, invitant habitants et visiteurs à reconnaître dans l’image détournée leurs propres récits. L’espace intime du Pilote a permis à Mouad d’expérimenter une mise en scène plus narrative et immersive, où la couleur explosive et la dérision sensible font surgir mémoire collective et ironie contemporaine.